2008/05/02

Formação, informação e cidadania

«D'où la fidélité absolue au Président de la majorité du Congrès, en même temps que la subordination de celle-ci par rapport à celui-là.
Fidélité garantie d'ailleurs par la force armée, car les latins qui peuplent l'Amérique du Sud et du Centre ont conservé le gôut des uniformes, des généraux et des fastes militaires. Leur nations ont toutes des armées, jalouses d'une vieille tradition et impatientes d'activité. Faute d'être employées à la guerre, elle jouent un rôle politique important. Pendant longtemps, l'armée faisait et défaisait les présidents, de sorte que le premier soin de chacun d'eux était de s'assurer son appui grâce auquel ils pouvaient facilement ramener le Congrès à obéissance. Les choses ont un peu changé depuis quelques années, surtout dans les Etats les plus évolués de l'Amérique latine. Malgré tout, la tradition espagnole des "pronunciamientos" n'y est pas encore perdue.
Ainsi se détache la seconde différence par rapport au régime des Etats-Unis: le caractère semi-démocratique des instituitions de l'Amérique du Sud. Aux Etats-Unis, les éléctions sont libres et sincères; dans l'Amérique latine, elles sont souvent "dirigées". Il fout dire que beaucoup de ces nations sont formées par une majorité de population indigène au métisse, illettrée et arriérée, pour qui le bulletin de vote n'a pas grande signification. On oublie trop souvent que la plupart des pays de l'Amérique du Sud sont de type colonial: quelques hommes de race blanche dominent et encadrent une masse de couleur qui ne sort que lentement de son apathie. Cette masse se prête docilement à toutes les manoeuvres électorales: il est rare, en Amérique latine, que le parti au pouvoir n'obtienne pas la majorité. Ce n'est pas que le même parti s'éternise au pouvoir: mais il en est chassé par une révolution - comme il y a été porté - et non par le verdict des urnes.
Cependant, ces régimes sont en plein transformation. De plus en plus, les dictatures civiles remplacent les dictatures militaires: les docteurs en Droit prennent la place des généraux et manifestent des soucis de légalité qui restaint absolument étrangers à ceux-ci. Pregressivement, les masses commencent à sortir de la nuit où elles demeuraient plongées: seule, une évolution qui les mènera jusqu'à maturité politique permettra aux semi-démocraties d'Amérique latine de se transformer en démocraties véritables.
(...) A ce raisonnement, on répondra sans doute par l'exemple sud-américaine, qui montre lui aussi les possibilités dictatoriales incluses dans le régime présidentiel. Mais c'est l'Etat social de l'Amérique latine, l'absence totale d'éducation politique des masses illettrées qui composent la plus grande partie de sa population, qui conduisent à la dictature, et non pas le système présidentiel. Sans lui, comme le notait fort justement James Bryce, l'Amérique du Sud s'enforcerait dans l'anarchie. (...)»


Maurice Duverger - in Les Régimes Politiques, Les régimes de type américain