2008/04/28

Ainda a separação de poderes: individualismo

«La doctrine individualiste aboutit à des conclusions inverses, ce qui est normal, puisqu'elle part de prémisses opposées.
Pour elle, la société n'a qu'une réalité secondaire, une existence subordonnée. Chaque homme, chaque individu constitue, au contraire, une entité fondamentale, une réalité primordiale. Sans doute, l'homme est-il un animal social, un être incapable de suffire à lui même isolément la vie communautaire est donc une nécessité, souvent même une nécessité heureuse: les sociétés conservent les valeurs civilisatrices et en répartissent les avantages entre leur membres. Mais l'individu reste le but suprême auquel tout doit être subordonné: le rôle des groupes sociaux est seulement d'assurer à chaque homme des possibilités de vie et de développement conforme à sa propre nature. En d'autres termes: au lieu que le groupement des hommes au sein de la société soit comparable à l'agglomération des celules pour former le corps humain, oú chaque élément composant est subordonné à l'équilibre de l'emsemble, qui est la valeur suprême, on pourrait ici le rapprocher de la réunion des tableaux au sein d'une exposition de peinture, oú l'essentiel est la mise en valeur de chaque oeuvre particulière, et non point la symétrie générale. (...)
Dans le courant des XVIIe et XVIIIe siècles, une école philosophique a tâcher de donner aux doctrines individualistes un fondement purement rationnel et laïc qui les détache complètement de leur fondement chrétien. Elle a donc imaginé un "état de nature" oú les hommes auraient vécu sans gouvernants ni lois et dont ils seraient sortis volontairement en créant des autorités publiques par le "pacte social". En affirmant ainsi que les individus préexistent par rapport à la communauté, ils justifiaient évidemment la subordination de celle-ci à ceux-là; la limitation des gouvernants devenait une conséquence logique du pacte social, dans lequel on la trouvait d'ailleurs inscrite, expressément ou non. Cette ingénieuse théorie, que Rousseau a popularisée dans le Contrat Social, n'est plus acceptée par les contemporains, à qui "l'état de nature" apparaît une hypothèse contredite par les faits.
(...) Mais les partisants de l'individualisme ne se font aucune illusion sur la bonne volonté des gouvernants, et sur la possibilité de les voir respecter spontamément les limites ainsi posées à leurs activité. Pessimistes au contraire, ils estiment que tout homme investi d'un pouvoir sur les autres hommes est portés, par une pente naturelle, à en abuser; ils dénoncent le caractère corrupteur de l'autorité. Aussi vont-ils s'ingénier à decouvrir des procédés qui permettent d'opposer pratiquement des bornes efficaces aux exigences gouvernamentales: le problème des techniques de limitation des gouvernants devient ainsi l'un des éléments fondamentaux de la théorie des régimes politiques.»


Maurice Duverger - in Les Régimes Politiques, La limitaion des gouvernants.